"Lasioderma serricorne" pour les puristes, "bicho" pour les cubains et "cigar beetle" pour les américains, ce coléoptère de trois millimètres de long à l'âge adulte peut en moins d'un mois, sa durée de vie maximale, ruiner l'ensemble de votre collection de cigares.

En effet, la larve se nourrit de feuilles de tabac durant sa croissance puis, devenue adulte, elle pond des œufs qui, sous l'effet de la chaleur, deviennent larves - lesquelles se nourrissent des feuilles de tabac, et ainsi de suite. Tout peut aller très vite !

Bien entendu, les feuilles de tabac récoltées subissent différents traitements destinés notamment à éradiquer ces bestiaux. Mais il peut arriver que des larves subsistent, emprisonnées dans le cigare. Disposant de nourriture, elles continuent leur croissance et s'attaquent tout d'abord à la tripe avant de s'aventurer sur d'autres terrains de chasse via un tunnel creusé dans la cape. Les vitoles voisines sont ainsi touchées, recueillent les œufs des lasiodermes adultes et, en très peu de temps, l'heureux propriétaire de la cave à cigare ainsi infectée découvrira ses cigares percés de petits trous réguliers. En voulant fumer, il constatera immédiatement que la vitole est privée de ses qualités de puissance et d'arômes.

Il ne lui restera plus qu'à s'empresser de vider sa cave, à éliminer tous les cigares troués et à vérifier les autres un à un en les tenant verticalement et en tapotant leur pied sur un socle clair, telle une feuille de papier. Si une fine poussière de tabac en sort, le cigare est contaminé et, donc, bon à jeter !

Il faut également nettoyer minutieusement la cave en commençant par un dépoussiérage puis en la lavant avec une éponge imbibée d'eau déminéralisée, afin d'éliminer tout débris et poussières de tabac susceptibles de contenir d'autres œufs, sans oublier les coins, charnières et serrures.

Seul le froid, à partir de - 12°C, empêche ces bestioles de se développer. C'est pourquoi, après l'achat de mes cigares, je leur fais subir un passage par le congélateur avant de les intégrer dans ma cave à cigares. La recette suivante n'a jusqu'à présent pas mal réussi :

- mettre les cigares dans un petit sac en plastique, faire le vide (en aspirant l'air avec une paille, par exemple) et fermer l'ouverture. Il est inutile que le vide soit total, dès lors que le film en plastique épouse correctement la forme des cigares.
- Placer ce sac dans une seconde poche et faire à nouveau le vide. Bien sceller l'ouverture.
- Déposer l'ensemble dans le congélateur durant environ quatre jours. La boîte contenant les cigares devrait elle-même être du voyage mais elle peut être placée directement dans le congélateur.
- Le retour à la température normale devant être progressif, afin de ne pas risquer d'abîmer la cape, placer ensuite les sacs dans le réfrigérateur pendant un jour ou deux. La boîte peut quant à elle être sortie directement.
- Après ce délai, sortir le sac du frigo et le laisser à température ambiante quelques heures.
- Sortir alors les cigares des deux sacs et les ranger dans la cave. Il est préférable de les laisser se stabiliser durant au moins une semaine avant de les allumer afin d'être sûr qu'ils ont recouvré une humidité idéale.

Avec ce retour progressif à des conditions normales de conservation, je n'ai pour l'instant jamais eu de problème avec les cigares ainsi traités. Je n'ai pas non plus constaté de différence de saveur lorsque j'ai, par la suite, allumé ces vitoles.

 


   
 
 

Si vous achetez plus que votre consommation quotidienne de vitoles, alors vous allez devoir entreposer le surplus dans un environnement approprié. Autrement, votre investissement se trouvera rapidement sec et pratiquement infumable.

Le meilleur moyen d'entreposer un cigare est de le mettre dans un récipient pouvant conserver une température d'environ 21 degrés Celsius pour 70 % d'humidité.
Pour cela, l'idéal est l'achat d'une cave à cigare, généralement fabriquée en bois et contenant un
dispositif d'humidification - le plus souvent un système genre éponge imbibée d'un mélange d'eau distillée et d'un additif chimique (propylène-glycol).

Il est à noter que la plupart des systèmes d'humidification conseillent l'utilisation d'eau déminéralisée. Une telle recommandation n'est pas anodine : en effet, l'eau du robinet est souvent calcaire et chargée de bactéries qui finiront par encrasser la mousse du système, entraînant l'apparition de moisissures et de champignons.

Voilà pour l'humidité. Pour ce qui est de la température dès lors que votre cave à cigares est dans votre appartement et que vous évitez de la mettre sous les rayons directs du soleil, le climat sous nos latitudes est suffisamment tempéré pour que les variations de température à l'intérieur de la boîte ne posent pas de problème.

Cela dit, il existe bien sûr d'autres solutions que l'achat d'une cave, qui s'avère généralement un investissement lourd. J'avoue n'avoir pas tout de suite réalisé cet investissement : entre la cave et les cigares, il fut un temps où j'ai dû choisir…
Bref, un bricoleur moyen peut parfaitement s'en tirer, à condition de trouver une boîte suffisamment hermétique pour ne pas laisser s'échapper l'humidité. Un récipient style Tupperware peut faire l'affaire, mais j'ai également trouvé de très jolies boîtes en bois, vernies, sans odeur et bien hermétiques, au BHV de Paris. Il suffit alors d'y ajouter un dispositif d'humidification (toujours en n'utilisant que de l'eau distillée, qui ne contient aucun élément dont l'évaporation serait susceptible de nuire à vos cigares), de ne pas oublier d'aérer de temps en temps le contenu de la boîte et le tour est joué.

Certes, il s'agit là d'une solution palliative qui ne permet en aucun cas de conserver à long terme les cigares dans de bonnes conditions, mais c'est déjà un début. Pour une solution à plus long terme, on peut envisager de
bricoler une cave dans un ancien réfrigérateur : j'ai le mien depuis maintenant plusieurs années et ça fonctionne parfaitement.

 


  • Comment conserver correctement ses cigares en voyage ?  
 
 

En voyageant, vous pouvez utiliser les systèmes portatifs que vendent nombre de détaillants (que ce soit un modèle de type mallette ou de type tube) ou, bien entendu, le bricolage décrit plus haut. Dans tous les cas, il est important de se rappeler que les cigares sont sensibles à la chaleur et à la perte d'humidité. Ne les laissez donc pas dans l'habitacle de votre voiture garée au soleil, vous risquez d'être surpris du résultat. Méfiez-vous également des voyages en avion, dont l'atmosphère est toujours très sèche.

 


 
• Peut-on voir si un cigare a été correctement entreposé en le regardant ou en le touchant ?
 
 
 

Un cigare bien conservé aura un certain éclat - une certaine brillance - et même parfois un aspect huileux. Vous pouvez également constater un léger dépôt blanchâtre ressemblant à une fine poussière, sur la cape de vos cigares. Ceci est normal et n'affectera pas la dégustation de votre cigare.

D'une manière générale, deux règles d'or sont à respecter :
1 - Vérifier régulièrement l'état du dispositif d'humidification afin de conserver un taux d'humidité d'environ 70 % ;
2 - S'assurer d'une bonne circulation de l'air dans la cave.

Au toucher, un cigare correctement conservé devrait donner une sensation d'élasticité quand vous le serrez légèrement. Il ne doit être ni craquant ni sec. À l'inverse, il ne doit pas être moite au point de donner l'impression d'être mou, détrempé.

 



 
• Faut-il ôter ou conserver la protection en cellophane ?
 
 
 

D'abord, j'ai appris récemment que c'est abusivement qu'on utilise le mot cellophane. Depuis une dizaine d'années, cette matière est interdite car cancérigène (quoique, s'agissant de tabac, l'excuse ait un certain côté humoristique)
Lui est substitué un polymère : le polypropylène, fil synthétique de quelques microns d'épaisseurs qui s'applique en couches successives - une pour le brillant, une autre pour la résistance aux odeurs, une troisième pour préserver l'humidité originelle du cigare et lui conserver plus longtemps sa souplesse, ce qui évite à la cape de se fendiller en cas de réhumidification brutale.

Le vieillissement d'un cigare, comme d'ailleurs celui du vin, fait appel à un processus chimique complexe où l'oxydation, l'évaporation, les modifications chimiques, le mélange d'essences jouent un rôle. Si vous faites vieillir un grand nombre de cigares ensemble, ôter la protection en cellophane permettra un mélange des essences. À partir de là, tout est question de goût.

Si les cigares sont de même origine, ce mélange n'entraînera pas de modification particulière des cigares. Sinon, le risque est de modifier les caractéristiques de chacun en conférant par exemple à un dominicain léger une force tirée de son voisin cubain ou en mélangeant au goût terreux d'un nicaraguayien la saveur épicée de son voisin hondurien. Mais après tout, peut-être est-ce un choix. Si vous ne souhaitez pas aboutir à ce mélange et si vous préférez conserver les caractéristiques de chaque terroir, alors il vaut mieux laisser le cellophane en place.

Par ailleurs, une autre raison plaide en faveur de la protection de cellophane. Des ouvertures fréquentes de la cave à cigares entraînent nécessairement une évaporation rapide de l'humidité qu'elle retient ainsi que des essences qui imprègnent les cigares. Conserver le cellophane maintient alors une certaine stabilité aux cigares - à noter que la partie du cellophane près du pied n'est jamais scellée mais seulement repliée, afin de permettre à l'humidité ambiante de s'infiltrer lentement autour du cigare. En outre, il s'agit là d'une bonne prévention contre les transferts de moisissure ou de lasiodermes d'un cigare à l'autre.

De la même manière, pour ceux qui choisissent de conserver une protection, il est possible de conserver le tube des cigares vendus sous ce conditionnement. Il suffit alors de dévisser le bouchon pour laisser le cigare respirer.

 



  Le vieillissement des cigares  
 
 

Un cigare est composé de feuilles de tabac. Et alors ? me direz-vous, ce n'est pas un scoop. Certes non, mais l'important est que le tabac, par nature, est un produit vivant, une plante, qui, en tant que tel, va immanquablement dépérir au fil du temps - un peu comme une fleur dans un vase. Mais pendant cette période de "sursis", ce n'est pas forcément une mauvaise idée de faire vieillir certains cigares, ce qui les rendra souvent plus moelleux en leur ôtant une part de leur agressivité. Tout au plus convient-il de garder en mémoire que certains tabacs vieillissent mieux que d'autres. Le processus de vieillissement n'est lui-même pas constant : après une période au cours de laquelle le cigare évoluera de manière importante viendra un temps où cette évolution s'arrêtera et il n'y aura alors plus aucun avantage à le conserver plus longtemps. Le problème est qu'il n'y a pas de règle permettant de déterminer la durée de cette première phase en fonction de tel type de tabac !

Dans tous les cas, la règle d'or de tout vieillissement est la qualité des conditions de conservation des cigares : le rapport humidité-température est capital. Dans un environnement trop sec, le tabac séchera, dans un environnement trop humide, il moisira.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre vieillissement à long terme et repos de courte durée permettant au cigare de se stabiliser. Le tabac entrant dans la composition de la plupart des cigares est déjà âgé de dix-huit mois à deux ans avant de passer entre les mains du torcedor - pour les cigares de la meilleure qualité, ce délai est souvent porté à trois ans et il paraît que certains mélanges utilisent des tabacs vieux de quinze ans.

De nombreux fabricants, une fois les cigares achevés, les conservaient encore un ou deux ans avant de les mettre en vente. Pour ceux-là, bien entendu, aucun problème ne se pose. Mais l'accroissement de la demande de ces dernières années a conduit à la quasi généralisation d'une pratique tout autre consistant à expédier les cigares sitôt fabriqués, sans attendre la phase, pourtant importante, de stabilisation. Il n'y a qu'à regarder la date de fabrication mentionnée sur la boîte pour s'en convaincre.

De nos jours donc, les cigares sont souvent mis sur le marché alors qu'ils sont encore "verts". Les laisser reposer quelques semaines, voire quelques mois, permettra aux ammoniaques de finir de s'évaporer, aux tabacs formant le mélange de se marier. Un vieillissement de plusieurs années conduira à une modification des caractéristiques d'origine vers un goût plus suave, plus moelleux. Franchement, nous ne parlons pas ici d'un Château Yquem : inutile de laisser ses vitoles de côté durant un demi siècle. Mais un temps de repos de deux à quatre ans fait déjà une grande différence. Le mieux, pour se faire une idée, est d'essayer. Pour cela, choisir plutôt des cigares maduro bien charpentés - type Partagas.

Pour résumer, on peut dire que trois semaines de repos stabiliseront l'humidité du cigare, lui permettant de mieux se consumer. Trois mois permettront aux essences de se diffuser et aux arômes de se mélanger. Deux à trois ans autoriseront d'autres mutations chimiques aboutissant à des modifications de l'arôme d'origine. Après, ma foi, tout est question de patience...

 




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